Les sportifs Sport Adapté ne seront pas moins de six à défendre nos couleurs lors des Jeux paralympiques de Tokyo, qui débutent le 24 août, et ce dans les trois disciplines qui leur sont ouvertes, à savoir le para tennis de table, le para athlétisme et la para natation ; une grande première. Voici un point sur les derniers préparatifs et les objectifs de chacun avant le début des Jeux.
La première grande satisfaction pour la FFSA a été de réussir à qualifier des sportifs dans les trois disciplines ouvertes au public Sport Adapté, avec pour la première fois une fille en tennis de table, un garçon au 1500 m et un autre en natation. L’équipe de France Sport Adapté est ainsi composée des pongistes Lucas Créange et Léa Ferney, des athlètes Gloria Agblemagnon, Charles-Antoine Kouakou et Gaël Geffroy, et du nageur Nathan Maillet.
La crise sanitaire mondiale que nous traversons n’a pas simplifiée la préparation mais aucune équipe ne s’est démobilisée. Le travail fourni par les sportifs et l’encadrement a été considérable et à la hauteur des ambitions de chacun. Une préparation menée essentiellement au sein des CREPS de Poitiers, Vichy et Reims mais également au sein des clubs Pôle qui ont pu maintenir leur activité pendant les périodes de confinement. Si les conditions sanitaires et le manque de compétitions n’ont pas facilité leur préparation, tout a été mis en place pour palier à ces difficultés, notamment via l’augmentation du volume de stages sur les pôles France de Reims, Vichy et Poitiers. « Les équipes ont énormément travaillé pour atteindre ce niveau de préparation, se réjouit Hervé Dewaele, DTN adjoint. Ils partent donc avec beaucoup d’ambition. Revenir avec une médaille serait donc une formidable concrétisation pour ces sportifs qui ont réalisé des parcours remarquables pour se qualifier, mais au-delà pour tous les sportifs de la fédération qu’ils représentent. Nous avons une équipe jeune avec une moyenne d’âge 23 ans et seuls Lucas et Gloria ont déjà participé aux Jeux, c’est pourquoi l’acquisition d’expérience inhérente à cette première participation ne sera pas négligeable dans la perspective de Paris 2024. ».
Les deux derniers stages organisés à l’INSEP ont été l’occasion de mettre la délégation dans les conditions les plus proches de celles qui les attendent à Tokyo. Il s’agissait aussi de dédramatiser en leur expliquant comment cela allait se passer sur place : l’attente à l’aéroport avec les tests PCR, l’utilisation d’une application dédiée et la réalisation quotidienne de tests salivaires. Des contingences strictes mais nécessaires pour que les jeux puissent se tenir. « Une difficulté majeure pour les sportifs est qu’ils ne pourront pas assister aux compétitions des camarades des autres disciplines. Nous devrons donc organiser ces moments de partage que les sportifs et le staff apprécient particulièrement », souligne Hervé Dewaele.
« Les stages à l‘INSEP sont l’occasion de réunir les sportifs des trois disciplines sur le même site, de créer un esprit d’équipe et de se préparer dans une configuration proche de celle de Tokyo où nous vivrons en autarcie car avec les contraintes sanitaires ils seront cantonnés au village, aux salles d’entraînement, aux lieux de compétition, et à leurs chambres, avertit Marie-Paule. Il est donc indispensable que l’ambiance soit bonne, et que l’on se fasse confiance. C’est important surtout s’ils rencontrent des difficultés. » De ce côté-là pas de souci à se faire, la “mayo” a bien pris et l’ambiance entre eux est excellente. Ils sont enthousiastes et visiblement prêts à en découdre.
On peut également se réjouir du fait que le CPSF a fait son possible pour que l’équipe de France Sport Adapté passe ses Jeux dans de bonnes conditions. Ainsi Hervé Dewaele, notre responsable haut niveau, fait partie du staff général du CPSF, ce qui permettra d’assurer un excellent niveau de communication et d’information. Par ailleurs, chaque sportif sera accompagné de son entraîneur : Gloria Agblemagnon part avec Marc Truffaut ; Gaël Geffroy avec Loïc Burnet ; Charles-Antoine Kouakou avec Vincent Clarico ; Nathan Maillet avec Bertrand Sebire ; Léa Ferney avec Gang Xu, et Lucas Créange avec Yves Drapeau. En tennis de table le relanceur Erwan Leroy, qui épaulera aussi les pongistes Handisport, est également du voyage. De plus Marie-Paule Fernez, la DTN, sera dans le village avec la délégation Sport Adapté, ce qui n’était pas le cas à Rio. La délégation disposera de plusieurs appartements, dans lesquels nos sportifs pourront attendre leurs épreuves et se détendre entre pairs.
L’ensemble de la délégation Sport Adapté est entrée en bulle sanitaire à l’INSEP le 11 août ; tous y restent jusqu’à leurs départs, échelonnés du 14 au 19 août. Si Hervé Dewaele est parti dès le 14 août avec la délégation CPSF, les pongistes ont décollé le 16, le nageur s’envolera pour Tokyo le 18 et les athlètes le 19, afin d’arriver à peu près une semaine avant leurs épreuves, un délai nécessaire pour s’acclimater à la chaleur et à l’humidité qui règnent à Tokyo en cette saison.
Gaël Geffroy, spécialiste du 1500 m, n’était pas programmé pour partir à Tokyo mais le report des Jeux, à cause de la pandémie de Covid, lui a permis de continuer de progresser et d’accrocher au printemps dernier les minima pour être sur la liste des sélectionnables, c’est-à-dire passer sous les 4 minutes, ce qu’il a fait à Vichy avant de réaliser 3’58’’21 à Moulins, quelques jours plus tard. « Gaël n’a que 22 ans, il était programmé pour 2024, souligne Loïc Burnet son entraîneur. Cette sélection n’était pas prévue mais quoiqu’il en soit elle récompense tout le travail effectué ces dernières années auprès de son entraîneur et de son club pôle à Montluçon et les stages effectués au CREPS de Vichy. Il faut le prendre comme un bonus. Nous n’y allons pas pour jouer la médaille car c’est compliqué mais pour acquérir de l’expérience. »
Si Gaël était très anxieux avant sa sélection, l’annonce ayant même été repoussée à la mi-juillet, il est désormais complètement libéré : cela l’a boosté physiquement et psychologiquement. Plus confiant et motivé que jamais, il a redoublé d’effort et désire maintenant ramener une médaille. « Les deux premiers coureurs sont bien au-dessus du lot mais du n°5 à la ranking à lui… il n’y a que 3 secondes, poursuit Loïc. C’est pourquoi, si la course part lentement, il peut effectivement tirer son épingle du jeu. Ce sera directement une finale donc la course d’un jour, il ne va pas se gêner pour prendre sa chance ; de toutes façons, il n’a rien à perdre : il sera l’un des plus jeunes et l’un des plus mal classé. Faire 6 ou 8e ce sera déjà bien. » Rendez-vous le 3 septembre à 10h30 heure locale, 3h30 heure française.
En ce qui concerne Gloria Agblemagnon, engagée sur le lancer de poids, la concurrence sera rude : toutes les plus grandes lanceuses – équatoriennes, grecques, ukrainiennes, turques et anglaises – seront présentes. Elles sont 9 dans moins de 50 cm, ce sera donc vraiment un gros concours. « Gloria s’est bien préparée : elle est au CREPS de Reims à temps plein depuis début juin, explique Marc Truffaut, son entraîneur. Elle est affutée et a bien progressé : physiquement et techniquement, Gloria est prête et bien dans ses baskets. Elle est super motivée et aborde la compétition en y allant pour gagner ; en tous cas elle a mis toutes les chances de son côté. » Gloria, qui a déjà l’expérience des Jeux, lance autour de 13m50, « si elle veut être sûre d’avoir une chance il faudra qu’elle aille chercher son record à 13m90, voire qu’elle dépasse les 14 m, souligne Marc. Cela est réalisable car ça se joue à pas grand-chose, à de petits détails comme l’angle d’envol du poids ou une épaule un peu plus devant. C’est pourquoi, avant le départ nous travaillons les tout derniers petits réglages concernant le final, c’est-à-dire l’éjection du poids ; le but étant d’être au top à la fin du mois d’août. Gloria est tout à fait capable d’une telle performance. » Gloria entre en lice le 29 août.
Du côté de Charles-Antoine Kouakou, le staff s’est fait une petite frayeur au début de l’été à cause d’une douleur au pied, heureusement ce problème s’est finalement avéré bénin. Fin juillet, tout était rentré dans l’ordre, les séances de vitesse, d’aérobie et de résistance, se sont d’ailleurs parfaitement déroulées. « Nous partons donc confiant sans surestimé cependant notre potentiel car nous savons très bien qu’il y aura des athlètes qui courent extrêmement vite, explique son entraîneur Vincent Clarico. L’un d’entre eux a fait 48’’24, un autre, un Anglais nouvellement arrivé sur le circuit, a couru en 47’’86. Charles-Antoine reste collé à 48’’52 cette saison. Il est toujours un peu en difficulté sur la dernière partie de course car il a du mal à en garder sous le pied, quand il part, il part puis quand il n’y a plus de jus, il n’y en a plus. Nous avons donc travaillé la gestion de son effort et avons cherché à développer la capacité de son organisme à tolérer la fatigue quand il arrive aux 300 m puis à gérer son effort sur la dernière partie de course, comme s’il y avait deux courses : un 300 m et un 100 m. Charles-Antoine vise une médaille, ce ne sera pas aisé mais c’est tout à fait possible, pour cela il va devoir se rapprocher des 48’’20. » Rendez-vous le 30 pour les séries et le 31 pour la finale.
Le nageur Nathan Maillet disputera le 200 m nage libre le 27 août puis le 100 m dos le 2 septembre. La sélection de Nathan fut longue et assez compliquée, ce qui à engendrer pas mal de stress, c’est pourquoi dans cette dernière ligne droite, le staff a avant tout cherché à rassurer Nathan et à s’appuyer sur ce qu’il sait faire de mieux. « Nathan s’est démené pour participer à ses premiers Jeux paralympiques, le plus grand rendez-vous sportif au monde, c’est pourquoi il a envie de donner le meilleur de lui-même et de briller à Tokyo, et on ne peut légitimement pas s’empêcher de rêver avec lui. Il ne faut cependant pas se faire d’illusions, vu le niveau de la concurrence, un podium semble un objectif difficile à atteindre, reconnaît Bertrand Sebire, son entraîneur. Ce qui est sûr c’est qu’à l’heure actuelle, l’objectif pour Nathan est de figurer parmi les 8 meilleurs dans au moins une des deux épreuves, c’est-à-dire disputer une finale. »
La pongiste Léa Ferney a gagné sa place pour le Tournoi de qualification paralympique (TQP) – le dernier rendez-vous qualificatif pour Tokyo – lors d’un tournoi de pré-qualification qui s’est déroulé à Poitiers en février. Tout est parti du pari fou de Gang Xu, son entraîneur : « Léa n’était pas contre faire un tour au Japon alors on a tenté un coup en l’emmenant disputer le TQP à Laško en Slovénie, dont le vainqueur partait pour Tokyo ; juste pour essayer. » Léa s’est dépassée et a super bien joué, pour finalement remporter le tournoi face aux 7 autres participantes. « Nous savons qu’elle est sélectionnée depuis juin et comme nous sommes dans la dernière ligne droite, on ne fait pas trop de physique mais on peaufine les détails et on renforce son système de jeu de picot pour gêner l’adversaire, précise Gang. Si elle peut vraiment sortir son jeu, elle peut faire quelque chose, par contre si elle subit celui de ses adversaires, c’est fini. » Léa n’est classée que 16e mondiale, elle va donc devoir élever son niveau de jeu si elle veut avoir une petite chance. Si elle peut les accrocher voire leur arracher un set, elle n’a quasiment aucune chance contre les 4 premières mondiales ; elle peut en revanche s’en sortir face aux autres, malheureusement seuls les deux premières sortent des poules. « Remporter deux matchs sera vraiment difficile mais il y a toujours une chance, poursuit Gang. Elle s’est déjà surpassée et un match, reste un match… Malgré tout, si Léa en gagne un ce sera déjà très bien car nous voyons Tokyo comme l’occasion d’engranger de l’expérience en vue de Paris 2024. » Léa dispute son premier match le 25 août.
Le fer de lance de l’équipe de France Sport Adapté, le pongiste Lucas Créange prépare cette échéance avec détermination depuis plus de quatre ans. « Pour Rio nous avons énormément travaillé les 7 derniers mois, explique Yves Drapeau, son entraîneur. Nous avions mis la barre très haut et avons décidé de rester sur ce rythme durant les 4 années suivantes : nous avons travaillé ses points forts mais aussi ses points faibles, étudié les gestes de ses adversaires, décortiquer les échanges qu’il perdait. De son côté Lucas a fait un gros travail de préparation physique, tout en apprenant à gérer ses efforts et à s’octroyer des temps de repos. Nous avons même mis à profit l’année de report des Jeux pour travailler de nouveaux coups, ce que rechigne à faire Lucas en temps normal de compétition. Lucas n’est pas sorti faire des compétitions internationales depuis les Global Games, car nous l’avons caché afin de surprendre ses adversaires et de garder l’avantage. Physiquement il est en très grande forme et nous savons aussi qu’il est moralement très bien. Nous faisons notre maximum pour qu’il reste relâché, ne soit pas sur-concentré, et ne sur-joue pas. »
Lucas est en grande forme et vise un podium mais la concurrence est beaucoup plus forte qu’auparavant : ils sont ainsi une dizaine à pouvoir prétendre à la médaille d’or. Il y a quatre poules de trois joueurs ; les 4 premiers joueurs mondiaux sont chacun dans une poule. Lucas étant n°4 il devrait rencontrer le n°5 ou le n°6. Tous les matchs vont donc être difficiles car seuls les deux premiers sortent de poule. Lucas disputera son premier match le 25 août, le lendemain de la cérémonie d’ouverture.
« Si nos sportifs reviennent sans médaille mais qu’ils sont allés au bout d’eux-mêmes, ce ne sera pas un échec du point de vue sportif, confie Marie-Paule Fernez. Par contre revenir avec une médaille, voire deux, ce serait parfait et surtout synonyme de visibilité pour l’ensemble du Sport Adapté et donc de développement de la pratique pour le plus grand nombre. Ce serait montrer – au ministère des sports, à l’Agence nationale du sport et aux partenaires privés qui nous soutiennent – que nous travaillons fort et que leur soutien est indispensable pour notre réussite. Une médaille serait également l’occasion pour nous de parler de la représentativité des déficients intellectuels sur les Jeux paralympiques car jusqu’à présent il n’y a qu’une seule classe pour notre public. Ce serait un message d’espoir pour de nombreux sportifs que d’ouvrir une nouvelle classe qui puisse accueillir notamment les T21, qui sont des sportifs de haut niveau qui se préparent autant que ceux qui vont aux Jeux mais qui n’ont pas d’événement de cette envergure pour montrer ce dont ils sont capables. C’est le souhait des élus et du président de la FFSA – qui est aussi celui de la fédération mondiale (Virtus) – que d’ouvrir cette catégorie et pourquoi pas de l’avoir en démonstration à Paris en 2024. »